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Tout au bout d’un chemin de terre, un
hangar comme au milieu de nulle part où un alambic diffuse
des parfums de myrte.
L a colline est brûlante de chaleur. Il est 14 heures. La
canicule rôde dehors.
Dans un camion, des rameaux et des feuilles décolorés
par la distillation de la veille ont, généreusement,
tout donné de leur essence. Dolly somnole dans les effluves
entêtantes, lovée sur un vieux fauteuil défoncé.
Milou est là pour m’expliquer le voyage de l’huile
dans les tuyaux jusque dans « l’essencier », une
espèce de broc en cuivre où elle va finir. Un peu
plus loin l’eau et l’essence se mêlent, subtile
senteur de l’hydrolat.
Le voyage a commencé aux aurores. Milou, Noelle et Bati se
sont levés à 5 heures du matin pour vendanger les
rameaux et les feuilles de myrte dans le maquis, avant que le soleil
ne cisaille leurs efforts et que l’air ne devienne irrespirable.
Au retour, l’alambic est bourré jusqu’à
la gueule et crache la vapeur d’eau pour extraire le trésor
végétal.
Milou m’explique patiemment les propriétés de
chaque essence produite. Et me raconte pudiquement leurs débuts
tandis que l’alambic ronronne doucement,: il y a quelque quinze
années, n’ayant pas les moyens de l’acheter,
ils ont payé son propriétaire en huiles essentielles.
C’est une jolie histoire Elle en dit long sur la motivation
de ces agriculteurs, considérés comme des fous, en
qui personne ne croyait et qui aujourd’hui travaillent avec
le Japon, la Suisse, la Belgique et même les USA.
Ils parcourent la terre sauvage de la Haute Corse pour y cueillir
les plantes, aux molécules particulières de ce terroir:
eucalyptus, lentisque pistachier, romarin à verbénone,
myrte 1,8 cinéole, Immortelle d’Italie, ou en cultivent
d’autres de manière biologique. Et pensent à
construire des gîtes ruraux dans le respect de l’environnement.
Parce qu’il leur est « inconcevable » qu’on
puisse mettre de la chimie dans la Terre de cette magnifique île
à préserver et sur laquelle ils voulaient, à
tout prix, rester.
Une manière de vivre, simple et rude mais en total accord
avec soi-même : n’est-ce pas là l’essentiel
?
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