A tous ceux qui croient encore que ces agro-carburants sont une solution
pour contrer le réchauffement climatique et à tous ceux qui participent
de près ou de loin à cette immense supercherie, aux médias qui se font
trop souvent les porte-parole de l’industrie automobile et pétrolière
désireuses de verdir leur image et tromper un peu plus le potentiel
consommateur… Je tenais à faire quelques rectificatifs quant à cette
appellation abusive de Biocarburants qui n’ont strictement rien de BIO
au sens du label adopté par le ministère de l’agriculture français et
par la commission européenne.
Il existe deux catégories d’agro-carburants selon la matière première
utilisée et le processus de transformation effectué.
- La filière éthanol pour les véhicules essence : ce sont les sucres et
céréales qui sont utilisés et transformés en éthanol puis mélangés à de
l’essence.
- La filière des huiles végétales pour les véhicules diesel : les huiles
végétales subissent une trans-estérification puis ces EMHV – Ethyl
Methylique d’Huile Végétale- sont mélangés à du gazole pour obtenir des
« biodiesels ».
Ces EMHV sont plus coûteux à produire que l’éthanol et demandent plus
d’apports en énergie mais ils sont très facilement utilisables en
remplacement de gazole traditionnel car jusqu’à une incorporation de 30%
dans le mélange, les moteurs n’ont aucunement besoin d’être modifiés.
Aujourd’hui, la France produit des EMHV essentiellement à partir de
colza mais il ne faut pas oublier que ces cultures sont largement
engraissées et arrosées de pesticides, produits à partir de la filière
pétrole sans parler de la pollution induite par ces substances qui n’ont
absolument rien de BIO.
De plus, l’Union Européenne a fixé des objectifs d’incorporation des
biocarburants à hauteur de 5,75 % d’ici 2010 et 10% d’ici 2020. Or,
comme l’explique la chargée de recherche et coordinatrice de programme
European Biofuels Policy (EBP à propos de l’accent mis sur le biodiesel,
« /un problème de surface va se poser pour atteindre les objectifs
européens, l’importation d’huile de palme pourrait compléter la
production européenne /».
Quant aux personnes qui arguent d’imprécision et d’erreur en m’inondant
de soi-disant données physiques sur les propriétés de cette huile
végétale impropre à l’utilisation en « bio » carburant lorsque je parle
de désastre à venir puisque la demande en huile de palme pour les
biocarburants va nécessairement augmenter (allant de pair avec une vaste
déforestation), je ne peux que douter de leur objectivité et de leurs
compétences dans ce domaine. En effet, l’huile de palme est déjà
largement utilisée pour la fabrication de « bio-diesels ». En mars 2006,
le biofuel B5 palm oil ou ENVO Diesel (5% d’huile de palme + 95% de
diesel) a été lancé en grande pompe en Malaisie, par ailleurs premier
producteur mondial d’huile de palme (87% de la déforestation dans ce
pays est imputable à l’installation de monocultures de palmiers à
huile). La National Biofuel Policy de la Malaysia Palm Oil Board prévoit
d’ailleurs d’utiliser cet ENVO Biodiesel dans tous les transports,
l’industrie et mise sur l’exportation pour augmenter encore plus les
profits de cette filière.
Trois immenses raffineries destinées au traitement de l’huile de palme
sont en cours de construction en Malaisie. En Novembre 2006, la Natural
Fuels Australia Ltd a ouvert une grande raffinerie à Darwin dont
l’objectif affiché est de produire 800 millions de litres de biodiesels
à partir d’huile de palme d’ici 2008 et le développement d’une autre
raffinerie cinq fois plus grande est actuellement en projet à Singapour
tandis que l’industriel étudie également l’implantation de plusieurs
autres de ces raffineries à Houston, aux Pays-Bas et en Malaisie. Ceci
allant de pair avec la conversion de milliers voire de millions
d’hectares supplémentaires de forêts en monocultures de palmier à huile,
en Indonésie, en Afrique mais aussi en Amérique latine comme au Pérou où
l’industriel Romero s’est déjà implanté en rasant plusieurs milliers
d’hectares de forêt amazonienne et ce, bien que les études d’impact
environnementaux n’aient pas encore été menées à terme.
L’huile de palme, issue de la destruction des forêts tropicales, est
déjà arrivée sur le marché Européen. Ainsi, la demande des Pays-Bas est
actuellement de 400 000 tonnes uniquement pour la production
d’électricité dite « verte », une supercherie de plus dans le domaine
énergétique! BIOX bv, une compagnie d’électricité fonctionne en effet à
l’huile de palme et va construire 4 nouvelles centrales électriques à
l’huile de palme. Une électricité ensuite exportée en partie à plusieurs
autres pays européens… BIOX bv s’investit également dans la production
de biodiesel, un projet mené en partenariat avec Unimills, une filiale
de la compagnie Malaise « Golden Hope Plantations ». Quelle cruelle
ironie dans ce nom lorsqu’on connaît le désastre environnemental et
social sous-jacent à la filière huile de palme !
L’huile de palme, c’est un rendement de 500t/km2/an, qui nécessite une
importante main d’¦uvre pour la récolte des noix de palme, se pratiquant
à la main. C’est donc une filière viable dans des pays où la main
d’¦uvre est très peu onéreuse, taillable et corvéable à merci (l’huile
de palme, malgré la distance à parcourir pour arriver en Europe est deux
fois moins onéreuse que l’huile de colza produite sur place du fait des
très faibles coût de main d’¦uvre, certains n’hésitent d’ailleurs pas à
parler d’esclavage des temps modernes). Ultime menace sur
l’environnement, dans un souci de productivité (vu les objectifs de
l’Union Européenne notamment) M. Chandran, directeur de l’association
malaisienne pour l’huile de palme a déclaré en 2001 que la priorité
résidait aujourd’hui dans le développement de palmiers transgéniques et
ce, dans le but d’améliorer la qualité de l’huile, d’augmenter la
production et de diminuer la taille des arbres pour faciliter la
récolte. Les études sont en cours. Une aubaine pour les grosses
multinationales agro-alimentaires !
Enfin, penser que l’Europe se contentera de sa propre production
d’oléagineux ou de sucres et céréales, c’est se voiler la face. Depuis
2005, l’Europe importe déjà de l’huile de palme (bien plus rentable par
ailleurs ) et de l’huile de soja (dont les monocultures sont également
issues d’une vaste déforestation de la forêt amazonienne, notamment dans
l’état du Mato Grosso) pour produire une partie du biodiesel consommé.
Ultime coup de couteau dans le dos de l’écologie et de la préservation
de l’environnement, ce communiqué de presse du 26 septembre 2006 dans
lequel Thierry Breton, ministre de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie s'est engagé sans réserve pour le lancement en France, dès
2007, de l'E85 (l’éthanol massivement utilisé au Brésil, où il est issu
de la transformation de la canne à sucre), premier carburant de l'après
pétrole. Que ceux qui doutaient de la sensibilité du gouvernement actuel
et de l’équipe du candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy soient
rassurés : bientôt, nous roulerons tous à l’éthanol et au biodiesel,
pour préserver notre environnement ! Quelle ignoble supercherie !
Plébisciter les « bio »carburants, c’est ouvrir un peu plus grand la
porte aux OGM, aux pesticides et participer au réchauffement climatique
à travers une accélération sans précédent de la déforestation en zone
tropicale. Les adopter, c’est également cautionner les atteintes faites
aux droits de l’homme et à ce nouvel esclavage mis en place au sein des
immenses plantations de palmier à huile, de soja ou de canne à sucre
sans oublier les graves atteintes aux droits des peuples autochtones
chassés de leurs terres ancestrales, ces dernières étant convoitées par
les industriels pour étendre les titanesques monocultures.